mardi 16 octobre 2012

La Nuit des morts-vivants 1990

Au début des années 1990, George A. Romero est en vacances de zombies. En a-t-il assez ? Estime-t-il avoir mis le point final à cette partie de son œuvre avec le remarquable Jour des morts-vivants en 1985 ? Toujours est-il qu'il est passé à d'autres univers : en 1988, il signe Incident de parcours, un film certes terriblement daté mais injustement oublié dans sa filmographie, avant d'aborder les grands auteurs du fantastique (Edgar Poe en compagnie de Dario Argento en 1990 avec Deux Yeux maléfiques et Stephen King avec La Part des ténèbres en 1993).


Pourtant, en 1990, il va revenir au monde des zombies avec le remake scénarisé par ses soins de son iconique film de début, La Nuit des morts-vivants. Préparé, scénarisé par Romero : on peut se demander si la présence de Tom Savini, maquilleur complice de toujours, dans le fauteuil du metteur en scène n'est pas de pure forme. Romero aurait hésité à revenir à ses zombies après la « fin » de sa saga ? Aurait-il hésité à s'associer à un remake de sa propre œuvre ? Peut-être bien...

Car, il faut bien le dire, il s'agit ici d'un remake d'une grande fidélité – à tel point que les premières séquences laissent dubitatif : quel intérêt y a-t-il à coloriser le noir et blanc du film original (sorti en 1968) ? L'aura de Romero – depuis bien écornée par les suites dans l'ensemble assez dispensables – est alors parfaitement intacte : qui oserait le soupçonner de mercantilisme, de vouloir revendre son premier succès sans beaucoup d'efforts ?

On peut certes regretter - ou pas - les excès gore de Tom Savini, plutôt absents du film. Mais en était-il vraiment besoin, lorsqu'on trouve par hasard (dans un taxi, dit-on) des figurants déjà tout à fait inquiétants ?

Pourtant, à mesure que le film progresse – et que l'on note une sagesse plutôt surprenante dans les effets gores, avec Savini à la réalisation – on s'aperçoit que la copie a été revue et corrigée. Si les références sont bien présentes – « They're coming to get you, Barbara... » –, le film se veut surtout une opportunité de corriger les défauts de sa version originale (notons d'ailleurs que certaines références, celle de la truelle dans le sous-sol notamment, peuvent être extrêmement mal utilisées...). Majoritairement, ces corrections concernent le personnage de Barbara. De blondinette écervelée, criarde et finalement aussi énervante que passablement bécasse, Barbara devient une femme forte, volontaire, par le biais de laquelle Romero moque en passant certains défauts de sa propre mythologie (la lenteur des zombies, notamment).

C'est aussi l'occasion de revoir les rapports de force dans la maison assiégée : les personnages de Ben (excellent Tony Todd), le leader de fait dans l'original, et du lâche Harry Cooper ne sont plus placés en opposition manifeste, l'un froid et intelligent, l'autre couard et stupide. L'un comme l'autre vont, dans cette nouvelle version, tenter de tirer la couverture à soi, à tel point que ce comportement de coqs de basse-cour va mettre en danger tout le monde. Finalement, Barbara va choisir de laisser les deux à leur querelle, décidée à aller chercher du secours – ce à quoi elle va parvenir. Dans ce personnage de femme de tête, forte et indépendante, on voit la conjonction des univers de Romero et de John Carpenter – une fusion de discours plutôt réussie.

Barbara, à 30 ans de distance. Les temps ont changé.

Avec le recul, La Nuit des morts-vivants 1990 apparaît comme un film beaucoup plus intéressant que ce qu'on aurait pu en attendre : non seulement il est la marque d'une véritable réflexion de la part de Romero sur son univers, mais il fait montre d'un post-modernisme qui n'est pas sans rappeler celui de Wes Craven pour Scream (1996). Là où le père de Freddy Krueger fait preuve d'une ironie féroce, Romero affecte un positionnement plus brutal – son propos critique dans la saga des morts-vivants n'est pas particulièrement subtil, après tout. De part cette brutalité (qui se reflète notamment dans la conclusion du film, glaçante) et l'intelligence de sa relecture du matériau originel, La Nuit des morts-vivants 1990 appartient certainement aux meilleurs films de George Romero – quand bien il ne l'aurait pas officiellement signé.